mardi 27 décembre 2011

Ancelotti, Pastore, Beckham et tous les autres...

Depuis l'été dernier, le Paris Saint Germain est revenu sur le devant de la scène médiatique de la planète football. Un retour au premier plan qui se décline également sur le plan sportif. La reprise du club de la capitale par un groupe d'investisseurs qataris n'est pas étrangère à ce renouveau. En effet, ces derniers ont massivement renfloué les caisses parisiennes, permettant ainsi au PSG d'être particulièrement actif sur le marché des transferts, et de pouvoir dépenser d'importantes sommes d'argent dans l'acquisition de nouveaux joueurs, dopé par des moyens presque illimités.
Cependant, à l'heure de la crise, que penser d'un tel niveau d'investissement pour du sport ? Quels spécificités pour le football, et le football français en particulier ? Et David Beckham, annoncé à 800.000 € bruts par mois ; comment l'appréhender ? Avec indécence, ou pragmatisme ? Le sport professionnel, baromètre du fonctionnement d'un pays ?
Durant un certain nombre d'années, le football professionnel français a souffert des mêmes vices que ses voisins européens, dépensant l'argent qu'il n'avait pas toujours afin d'asseoir sa compétitivité, notamment sur la scène européenne. Mais en interne, nos institutions se sont dotées d'un gendarme financier (DNCG = Direction Nationale de Contrôle et de Gestion) chargé de contrôler les finances des clubs, un organisme exclusivement français qui ne trouve aucun équivalent en Europe. C'est pourquoi, les clubs français sont incontestablement les mieux gérés d'Europe, lorsqu'en Espagne ou en Angleterre, places fortes du football de clubs, certains annoncent des déficits abyssaux chiffrés à plusieurs centaines de millions d'Euros ! Premier éceuil pour le foot tricolore.

Le 15 Décembre 1995, la Cour de Justice des Communautés Européennes, rend un arrêt qui fera date dans l'histoire du football ; l'arrêt Bosman, qui constitue le second éceuil majeur du football français de club. En effet, auparavant, la législation imposait de ne pas disposer de plus de trois joueurs étrangers dans un effectif. Or, l'arrêt Bosman établit l'illégalité des quotas de sportifs communautaires et non communautaires ressortissants d'Etats ayant signé des accords d'association ou de coopération de la Communauté Européenne. C'est dire qu'ainsi, il n'est plus possible de limiter le nombre de sportifs des nationalités concernées dans une équipe ou une compétition professionnelle. L'arrêt Bosman consacre donc la libre circulation des travailleurs entre les états membres de L'Union Européenne, et dès lors la diaspora des meilleurs talents français vers les grosses écuries européennes, engendrant un déclin relatif et un écart de compétitivité entre les clubs français et leurs adversaires dans le cadre des compétitions organisée par l'UEFA.

Mais cet arrêt Bosman est-il la seule motivation des pépites françaises à s'expatrier à l'étranger. Il ne fut que l'élément déclencheur qui fera exploser une tendance qui va révéler un de nos handicap structurel majeur : la fiscalité.
Ainsi, nos footballeurs seraient moins bien rémunérés en France qu'ils ne peuvent l'être en Espagne, en Italie ou en Angleterre ; et ce qui peut nous paraître comme une aberration en France au regard des montants annoncés, ne semble pas soulever la même vague d'indignation à l'étranger.
Le football français de club serait dès lors moins compétitif que ses concurrents européens en raison d'un système de prélèvements sociaux et fiscaux plus important que ceux des pays susvisés. Concrètement, le coût global d'un footballeur évoluant en France et supérieur de 21 % par rapport à l'Espagne, 18 % par rapport à l'Italie, et 16 % par rapport à l'Angleterre. Ce qui explique les départs de nos meilleurs éléments, mieux payés qu'ils ne le sont en France qui est donc une terre moins attractive pour les professionnels de ce sport, ces écarts ayant un impact direct sur l'offre salariale d'un club et sur la qualité des éléments recrutés.

Jean-Michel Aulas.
Nombre de supporters, de techniciens et de dirigeants, parmi lesquels Jean-Michel Aulas ou encore Rolland Courbis stigmatisent le poids de notre fiscalité pour dénoncer notre manque de compétitivité sur la scène européenne ; qui plus est depuis la suppression du DIC (Droit à l'Image Collective) qui permettait d'exonérer de charges 30 % de la rémunération brute versée par une société commercialisant l'image collective d'une équipe à laquelle appartient un sportif ; un système trop couteux pour les finances publiques. Nous qui nous extasions devant nos rivaux madrilènes, milanais, barcelonais, mancuniens... Bien sûr il y eut Lyon qui fit illusion pendant sept ans, qui put par ailleurs maintenir un certain équilibre économique pour bien des clubs français en investissant fortement sur des joueurs évoluant dans l'hexagone, permettant à ses rivaux français d'équilibrer les comptes, de maintenir des emplois...

Jusqu'à ce que QSI (Qatar Sport International) et ses pétrodollars ne devienne propriétaire du Paris Saint Germain, dotant le club cher à Luis Fernandez de moyens (dont on rappellera qu'ils sont privés) sans commune mesure avec ceux des autres clubs français, permettant à l'équipe de la capitale de lutter à armes égales avec les grosses écuries européennes, DNCG en plus.
D'entrée le PSG fit parler de lui en engageant pas moins de 80 millions d'Euros (!) sur le marché des transferts, dont 42 pour le seul prodige argentin Javier Pastore. Des sommes irrationnelles dont on comprend qu'elle puissent choquer. Mais cela n'est rien au regard de ce que perçoivent les basketteurs évoluant en NBA.
Aujourd'hui, c'est l'anglais David Beckham qui est annoncé arrivant au Paris Saint Germain, fort d'un salaire mensuel brut de 800.000 €  et d'un potentiel marketing exceptionnel ! Et que dire du nouvel entraîneur annoncé, l'italien Carlo Ancelotti qui émergerait à 12.000.000 € bruts par an !
Des chiffres qui donnent le tournis, soulevant "l'indignation moralisatrice" de la classe politique française, qui aime tant à polémiquer sur tout, celle-là même qui dénonce moins ses excès, et  le fait que certains joueurs français évoluant à l'étranger, percevant des salaires exceptionnels ( 10,7 millions d'euros pour Samir Nasri à Manchester City...) ne paient pas d'impôt en France.

Nasser Al-Khelaifi.
Bien entendu que de telles sommes sont indécentes au regard des difficultés dans lesquelles se débattent nombre de nos concitoyens ; bien entendu que ces hauts salaires, privilégiés, sont excessifs (quand bien même tous les footballeurs professionnels ne perçoivent pas de telles rémunérations) en ces temps de dure crise, au regard de ce que représente la contrepartie de leurs prestations. Nul ne saurait pouvoir dire le contraire ou ne pas raisonnablement s'en émouvoir.

Toutefois, c'est un peu vite oublier que ces salaires, puisque pratiqués de façon novatrice en France, sont soumis aux règles du Droit Français, et que dès lors que ces salaires sont particulièrement élevés, les recettes fiscales qui y sont liées, au même titre que les prélèvements sociaux, échouent à l'Etat, grand bénéficiaire également du "dumping qatari".

Que voici une situation paradoxale, et typiquement française que de s'indigner publiquement de ce qui finalement arrange pas si mal que cela...

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