mercredi 23 novembre 2011

Du compromis à la compromission...

Les médias se délectent aujourd'hui de la cacophonie qui règne en ce moment chez les Verts, pris entre deux feux, déchirés politiquement. Et ce ne sont pas les quelques déclarations d'intention de quelques ténors écologistes sortis du placard qui suffiront à rassurer ou illusionner le grand public sur la nature même de l'accord passé entre le PS et Europe Ecologie les Verts. Un accord qui révèle le prix de l'Indépendance Ecologiste, sur font de grave crise financière chez les Verts. Et si l'Ecologie Politique, en tant que mouvance originale touchait ici ses limites ? L'écologie se décline-t-elle obligatoirement à Gauche ? Et est-ce que le fond de l'accord signé avec les Verts ne serait pas la caution écolo des socialistes ?  Quant à Eva Joly, n'est-elle pas la malheureuse prisonnière du jeu politique, l'otage d'une vaste mascarade ?
Il semble aujourd'hui loin et révolu le temps où à la surprise quasi-générale, Europe Ecologie réalisait un score supérieur à 16 % aux dernières élections européennes. Un score qui pouvait laisser penser que derrière un PS, certes encore hégémonique à Gauche, mais en nette perte de vitesse et miné par des conflits internes entre éléphants, le Mouvement Ecologiste pouvait s'affirmer comme une alternative, dynamique et novatrice, capable d'insuffler une transformation écologique de la société.
Une possibilité d'autant plus crédible que lors des Régionales qui ont suivi, les écologistes ont réalisé des scores tout à fait remarquables, permettant la victoire de la Gauche, y jouant un rôle prépondérant, tout en faisant valoir sa spécificité. Au total, il fut convenu, qu'Europe Ecologie Les Verts (EELV) pesait près de 25 % de l'ensemble du score total de la Gauche.
Las ! Depuis, c'est une crise de croissance pour le Parti Vert, qui tout en se sentant pousser des ailes, celles de l'émancipation qui conduit à l'Indépendance, s'est fait rattraper par de vieux réflexes aux allures de vieux démons.

En effet, les éoclogistes, au vu du poids qu'ils tenaient au sein de l'électorat, auraient pu participer aux Primaires Citoyennes et faire entendre leur voix et leur spécificité dans le débat. Cela aurait pu leur permettre d'y réaliser par ailleurs un score très important, et significatif.
Néanmoins, forts de leurs très bons résultats électoraux obtenus lors des derniers scrutins, les Verts ont décidé d'ouvrir une nouvelle voie, pour faire entendre leurs voix, et de décider en famille de qui allait pouvoir les représenter à l'occasion des élections présidentielles de 2012.

Deux candidats en lice : Nicolas Hulot, journaliste à succès et de talent, ardent défenseur des causes écologiques, jouissant d'une aura médiatique de premier ordre, d'un charisme incontestable, et d'une popularité que nul ne saurait pouvoir mettre en doute. Ce dernier avait refusé d'aller au combat lors de l'échéance de 2002, mais se sentait prêt à entrer dans la course à l'Investiture.
Mais sans doute pas assez marqué à Gauche, malgré sa fibre écologique, les militants lui ont préféré la rigoureuse Eva Joly, magistrate, qui a notamment instruit plusieurs affaires d'ordre politico-financier. Un profil moins clinquant, mais plus marqué politiquement.
Certainement une occasion manquée pour les Verts de faire valoir que leur couleur n'était ni le Rose, ni le Bleu.

Pour autant, la franco-norvégienne a tâché de faire front. Celle-là même dont on signalera qu'elle s'était vue refuser l'investiture du Mouvement Démocrate pour les élections européennes, s'est échinée à faire entendre sa singularité et tenter de peser dans le débat politique national. Sans grand succès toutefois car ne décollant pas dans les sondages, plafonnant à moins de 5 % d'intentions de vote...

Par ailleurs, de nouvelles difficultés apparurent du côté des écolos, en proies à de très grosses difficultés financières. Les Verts qui ne comptent que 4 députés à l'Assemblée Nationale, ne sont pas favorisés par le mode de scrutin, uninominal à deux tours, des élections législatives. Or Europe Ecologie a un besoin vital de rentrées financières qui peuvent être générées par le nombre de voix obtenues à cette occasion.
Dès lors, quid définitif de l'Indépendance, place à la négociation et au Compromis.

Et c'est tout naturellement que l'écologie, par essence, apolitique, s'est tournée vers son partenaire historique qu'est le Parti Socialiste. Et cette négociation, bien plus financière qu'idéologique, a viré au grotesque, bien mise en scène par les médias. Il n'y a guère de place pour les convictions politiques lorsqu'il s'agit d'argent...
Eva Joly attendait de François Hollande que ce dernier renonce au nucléaire. Que nenni ! Chacun aura bien compris, qu'à Gauche, ce ne sont pas les Verts qui commandent !
En effet, Europe Ecologie s'est littéralement renié, en ratifiant un texte hypocrite pour lequel les responsables des deux partis diront qu'il respecte les valeurs et spécificités des uns et des autres.... Mais bien sûr....
Pas d'accord de fond sur le sujet du nucléaire, si symbolique de la cause écologique, et un accord a minima riche en désaccords sur lesquels, les Verts, certainement très minoritaires en cas de victoire de la Gauche, ne pourront revenir. Pour deux nombreux écologistes, sincères, "le nucléaire est le thermomètre de l'impuissance des socialistes, incapables d'innover".
Un texte qui induit des accords électoraux pour les législatives, accords qui ne manquent pas de faire grincer des dents du côté du PS. Le parachutage de Cécile Duflot a fortement déplu et écoeuré des élus de terrain, présent depuis longtemps.
Gérard Collomb, maire de Lyon s'est lui-même fendu d'une sortie médiatique remarquée en déclarant parlant d'EELV : "Certains pratiquent le vagabondage en politique, nous, nous sommes dans l'enracinement. Je lutterai contre ces "Khmers Verts" qui pratiquent le terrorisme intellectuel".
Bonjour l'ambiance.

Eva Joly elle-même a exprimé le fait que cet accord (ratifié à 74 %) ne "lui faisait pas plaisir, ni rêver (...) J'en veux aux socialistes d'avoir cédé si visiblement aux lobbys du nucléaire."
Une prise de distance cohérente de la part de la candidate, qui s'est vue infligée ces derniers jours une véritable volée de bois...Vert... Elle, subitement remise en cause, attaquée de toute part, comme pour mieux lui faire comprendre qu'elle n'est plus tout à fait une candidate à part entière, mais un petit satellite qui sert de bonne conscience écologique au PS, car du haut de ses 3 ou 4 %, que pèse vraiment Eva Joly dans le débat politique d'aujourd'hui... Et que pèseront les écologistes demain ?...

Vilipendée par ses partenaires (chapeau la solidarité), sermonnée par sa hiérarchie, la magistrate est revenue en arrière, précisant qu'elle appellerait à voter Hollande, si ce dernier est au second tour. OUF ! Soulagement ! Psychodrame évité à Gauche ! Déclaration hypocritement saluée par alliés et partenaires...ça promet.
Du compromis qui aurait pu naître du consensus, les écologistes se sont rangés dans la compromission.

Et le mot de la fin bien entendu pour François Bayrou, pour qui "ce grand désordre est très inquiétant pour l'avenir. Cela manque de sérieux : Il y a un vrai décalage entre la réalité de la crise et les querelles PS-EELV".
Et sur la question de l'Indépendance : "Quand vous dépendez d'accords électoraux, vous ne pouvez exprimer votre vision, et vous abandonnez la cohérence, la ligne, la solidité."

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