vendredi 14 octobre 2011

Primaires Citoyennes : Succès sincère ou Duperie médiatique ?

Nous sommes dans la toute dernière ligne droite d'un feuilleton bien orchestré, qui aura, à priori, tenu en haleine des millions de personnes qui suivent depuis plusieurs mois le dernier programme à la mode conçu Rue de Solférino : Les primaires Citoyennes.
Un concept intéressant qui consiste à désigner par le vote, celui qui sera le représentant du Parti Socialiste lors de l'élection présidentielle de 2012. Ainsi, six étaient sur la ligne de départ ; à la fin, il n'y en aura plus qu'un !
Présentées de la sorte, ces primaires auraient comme un arrière goût d'Endemol, le SMS en moins, l'euro de participation en plus.
Mais cessons là toute digression qui retirerait la substance noble de l'idée de départ. Car l'idée en soi, n'est pas mauvaise, loin de là.


Il s'agit de permettre la sélection sous la forme d'un vote ouvert à tous de celui qui, au terme d'une campagne, marquée notamment par trois débats, aura su convaincre les électeurs qu'il est le candidat le plus à même de représenter le Parti Socialiste. Un système comme on peut en trouver notamment dans le mode de désignation des candidats à l'investiture des partis, aux Etats Unis.

Il convient de souligner le principe éminement démocratique de l'idée de base qui vise à l'ouverture d'un débat public, interne à un mouvement, dans lequel chaque candidat, représentant une sensibilité différente, peut confronter ses idées, sa vision, avec celles de ses collègues. Une élection pour préparer l'élection. Un débat afin de dégager une majorité derrière un seul homme.
Cela pour éviter peut-être le drame de 2002, où les divisions de la Gauche Plurielle, particulièrement socialiste, avaient conduit à l'élimination de Lionel Jospin dès le premier tour ; jugez plutôt : sur les 16 candidats en lice, la moitié était apparentée à Gauche, et sur ces huit, on retiendra les dissidences notamment de Jean-Pierre Chevènement (ministre de Lionel Jospin), et Christiane Taubira (Parti Radical de Gauche). Le premier tour de 2002 avait servi de primaire pour départager tout le monde, avec le traumatisme que l'on sait pour le PS. On comprendra dès lors la minutie de l'initiative pour ne pas rejouer une nouvelle fois la même partition. Le but recherché étant vraisemblablement de rassembler dès le premier tour.

La publicité des débats relève également d'un certain courage et d'un réel souci de transparence vis à vis du peuple, invité à choisir. Force est de constater ainsi que les médias ont fortement joué le jeu ; pas un jour sans que l'on ne parle des Primaires, dont la légende dit déjà qu'un soir de débat, le score d'audimat réalisé fut supérieur à celui d'une rencontre internationale de football... Certains analystes y ont vu un regain d'intérêt sans précédent pour la politique, les prémices d'un renouveau pour les socialistes, un rejet massif du Sarkozysme... Prémonitoire d'une participation record ? Au final, ce serait près de 2,6 millions de personnes qui auraient participé au premier tour. Chacun aura dès lors la liberté d'interpréter comme cela l'arrange ce résultat. Un succès massif pour les socialistes qui y voient la volonté de l'alternance ; un score décevant pour l'UMP, car traduisant la mobilisation de moins de 5 % de l'électorat français.

Pour ma part, je serai davantage contrasté. Ce résultat est des plus corrects en ce sens, qu'il représente une participation dix fois supérieure au nombre de militants inscrits au PS ; toutefois, avec un tel battage médiatique, nous étions en droit d'imaginer une participation plus importante de la part de l'électorat de Gauche, qui manifestement représente plus de 5 % de l'électorat total. Est-ce à dire que l'intérêt des français pour ces Primaires a été surévalué ? Est-ce à déduire que la majorité des électeurs de Gauche ne se sont pas retrouvés dans les différents candidats ?
le député Jean Auclair.
Par ailleurs, il subsiste une inconnue : la proportion de non électeur de Gauche qui aurait participé à ce scrutin. Peut-être est-elle importante ? En Creuse, le député Auclair s'est prêté avec ironie à cet exercice. Il en avait le droit puisque ces Primaires étaient ouvertes à tous. Nos socialistes locaux auraient bien tord de s'en émouvoir, au moins par respect pour le Droit.
Dès lors, que penser du résultat final si un nombre important de non-sympathisants a agi de la sorte. Peut-être le score réalisé par certains a été surévalué, ne représente pas la réalité vraie de leur place au sein du Parti Socialiste ? De là à dire que cette Primaire est une illusion, il n'y aurait qu'un pas...

Mais peut-être aussi que la participation eut été plus importante sans la contribution d'un euro à apporter, que certains auront peut-être senti comme un arrière goût de suffrage censitaire... Pour certains, un euro, il n'est pas si simple de s'en passer.

Quant à la charte des valeurs de Gauche, il eut été plus juste de la qualifier simplement de républicaine, car les valeurs de laïcité, d'égalité, de liberté, de fraternité, qui sont la devise de la République, ne sauraient être que l'apanage exclusif de la Gauche. Peut-être que cela a rebuté des citoyens neutres qui auraient voulu participer. Cela a peut être été interprété comme une prise en otage, ou pour le moins comme une instrumentalisation sectaire et politique du vote. Songez plutôt, pour avoir le droit de vote à l'occasion de ces primaires citoyennes, il faut vous acquitter du versement d'un euro, et en plus signer une charte dans laquelle vous expliquez vous reconnaître dans des valeurs qui ne se déclineraient qu'à Gauche. C'est un peu fort pour certains.
Chacun comprendra désormais pourquoi j'interprète ce succès des Primaires Citoyennes comme étant très relatif.

Sur la logique de rassemblement qu'elles induisent, il y a certes une forme de logique : un débat de premier tour, une confrontation de second tour, et un vainqueur final qui porte les couleurs du parti et rassemble sous son nom. Mais est-ce réellement aussi simple que cela ?

Je pense davantage que les débats ont révélé de profondes dissensions entres les femmes et les hommes y participant, de même que de réelles différences idéologiques. En dehors de la rose, quoi de commun entre Valls et Montebourg ? L'espace politique de l'un à l'autre est particulièrement vaste, et sont-ils réellement compatibles ?
Les divisions apparaissant au grand jour, il semble donc que la mission qui va incomber au vainqueur de cette élection sera des plus complexes et délicates : d'une part, faire l'unanimité auprès des électeurs, en dépit de clivages internes très marqués, d'autre part, faire s'entendre sur un projet commun des personnes qui ne semblent pas complètement sur la même longueur d'onde sur le plan idéologique.
Ainsi, pour intéressant que le débat ait pu être, il n'en a pas moins révélé à la France entière les divisions qui déchirent les principaux ténors du Parti, entre surenchère et pragmatisme. Pas si simple en effet de réunir tout le monde sous le même chapeau. L'unité pourrait bien être de façade. D'autant que ce mode de désignation du candidat pour démocratique qu'il soit, ne paraît pas correspondre à notre culture politique fondée sur le pluralisme et non sur la bipolarité de la vie politique. C'est une révolution culturelle peut-être un peu brutale, que de vouloir bipolariser dès le premier tour d'une élection. Surtout lorsque Martine Aubry explique que Nicolas Sarkozy est son seul adversaire...

Enfin, que dire du temps d'antenne monopolisé à l'égard de ces Primaires, campagne pour La Campagne. Il est bien évident que les projecteurs braqués sur ce scrutin ont permis aux socialistes de promouvoir une bonne partie de leur projet pour les échéances de 2012, donc d'entrer déjà en Campagne au travers d'une présence exceptionnelle dans les médias. Une présence déséquilibrée par rapport aux autres protagonistes des élections de l'an prochain dont on espère que le CSA pourra leur octroyer un temps de parole aussi grand au nom de l'égalité du temps de parole. Par ailleurs une présence aussi accrue sur les plateaux radiophoniques et télévisés n'aurait elle pas un effet lassant sur le grand public. Trop de présence tue la présence par phénomène d'usure. Regardez "l'hyper-présidence", ce qu'il en reste aujourd'hui...

Par respect pour cette famille politique qu'est le PS, je n'ai pas participé à ces Primaires Citoyennes, car j'estime pour ma part, que ma contribution aurait faussé la réalité même de ce qu'est le PS. Si je pense que le procédé est intéressant sur le plan démocratique, il n'en demeure pas moins qu'il eut à mon sens été plus cohérent que cette Primaire se déroule sous la forme d'un scrutin interne ouvert uniquement aux adhérents. La réalité du scrutin en aurait été plus sincère selon moi, et moins sujet à tant de polémiques. Bien entendu, ceci n'est que mon avis, aussi humble soit-il...

1 commentaire:

  1. C'est surtout une très belle opération publicitaire au vu de la couverture médiatique !

    RépondreSupprimer